Le 5 décembre, la France rend un hommage solennel à ceux qui sont morts pour elle en Algérie, au Maroc et en Tunisie.
Deux millions de militaires, dont 1,3 millions d’appelés et près de 200 000 supplétifs, furent engagés sur ordre de la République dans les opérations menées en Afrique du Nord de 1954 à 1962.
Sur les colonnes du mémorial national érigé au bord de la Seine, 26 000 noms montent vers le ciel : ceux des Morts pour la France dans les combats de la guerre d’Algérie, du Maroc et de la Tunisie, auxquels se joignent les victimes civiles, dont beaucoup furent tuées après le cessez-le-feu du 19 mars 1962.
« Quand le bruit des armes s’est tu depuis longtemps, vient le temps de la mémoire et de la reconnaissance », disait le président Jacques Chirac en inaugurant ce monument à Paris, le 5 décembre 2002, sur le quai qui porte désormais son nom : tel est le temps que nous honorons aujourd’hui.
D’un autre quai, à Marseille, direction Alger ou Oran, ils furent si nombreux parmi les fils de France à laisser derrière eux parents, amis, foyers, sans savoir alors ce qui les attendait.
Ils avaient l’âge des promesses et des commencements, mais c’est le rude apprentissage de la guerre qui les attendait de l’autre côté de la mer.
Ils connurent les servitudes de la vie de caserne, la veille angoissante des nuits de garde, la routine écrasante des longues marches et l’urgence des assauts soudains.
Ils ont dû affronter l’épreuve d’un conflit qui aura définitivement changé le cours de leur existence, par ce qu’il aura forgé et ce qu’il aura détruit.
Ni l’éclat du courage, ni les marques lumineuses d’héroïsme, de générosité, de dévouement ne manquèrent à nos soldats.
Dans la dureté des combats, dans l’âpreté du terrain, appelés, engagés volontaires ou militaires de carrière, ils ont fait leur devoir pour la Patrie, pour leurs camarades, pour tous ceux qui comptaient sur eux.
Ce fut aussi une épreuve des consciences. Des actes contraires à l’honneur furent commis. Beaucoup en revinrent blessés dans leur âme.
Nous pensons à ceux qui, dans les heures crépusculaires, se dévouèrent à la survie de leurs frères d’armes supplétifs, les Harkis : la France célébrera toujours leur fidélité et leur grandeur de combattants français.
Nous nous souvenons des attentats du Milk-Bar et de la rue Michelet, à Alger, le 30 septembre 1956, des victimes de la rue d’Isly, le 26 mars 1962, de celles d’Oran, le 5 juillet 1962.
Nous pensons au million de Français d’Algérie qui durent quitter leur pays, leur maison et leur vie, arrachés à une terre devenue charnelle.
Nous gardons ces mémoires, dans leur complexité qui est le reflet des vies qui les ont portées — des vies qui avaient chacune une dignité infinie, et qu’il ne nous revient pas de juger.
Alors que la France entrait dans les Trente Glorieuses, cette guerre menée sous le soleil éclatant d’Afrique fut repoussée dans l’ombre.
Mais cette ombre irradiait les corps, les douleurs, les récits.
Elle était avec les burnous pliés dans les placards, les décorations posées sur les étagères, les quilles sculptées surplombant les buffets. Avec le souvenir du goût sucré des oranges et les chants rapportés du régiment.
Une mémoire souvent fantôme, dans laquelle grandirent des enfants qui depuis longtemps sont à leur tour devenus parents.
Une mémoire restée vivante qui est celle de notre Nation.
L’hommage de ce jour porte un devoir : célébrer les combattants, dire ce que nous leur devons collectivement ; reconnaître aussi les souffrances, et écouter ceux qui restent.
Il porte également une promesse : transmettre. Pour que les plus jeunes héritent d’une mémoire qui n’ouvre pas des blessures, mais élève dans la lumière ceux qui l’ont méritée.
France, honore tes enfants qui ont bravé la mort pour toi : ceux qui, en Afrique, sont partis pour toujours.
Vive la République. Et vive la France !
